Postface fragile
Mc Sweeney est un éditeur comme on en rêve : à la fois sérieux, rigolo, créatif. Un concentré de l’esprit west coast. Il publie un blog, un magazine (The Believer, traduit en français), des collections de romans, d’essais et de poésies. Bref, un vrai travail soigné et admirable.
J’ai commandé chez ce confrère outre-atlantique quelques livres de poésie, une forme littéraire qui supporte bien la lecture par des yeux étrangers, car la poésie ne s’embarrasse pas du sens, ses mots flottant dans notre imagination, sans la lourdeur du signifiant, ni de la culture. L’un de ces ouvrages est Fragile Acts, d’Allan Peterson.
Ce que j’ai préféré de ce court ouvrage, à couverture rigide, c’est sa postface. Par admiration et pour justement gratter entre les mots, mettre les mains dedans, revenir avec de la terre sous les ongles – car la vie de blogger est plutôt hygiénique – je me suis appliqué à la traduire :
J’aimerai remercier l’oiseau qui n’était pas un oiseau mais un reflet de la porte vitrée s’ouvrant vers l’extérieur puis nichant sur la bibliothèque
les nombreux escargots la nuit dont les chemins luisants me montrent qu’apparemment le hasard a un but sans colonne vertébrale
Je remercie la maison faisant craquer ses phalanges et les buissons de vieilles roses de Foley aux noms d’Archiducs et de reines,
les roitelets de la maison chantant comme depuis un étage en feu que les échelles ne peuvent atteindre.
Reconnaissance particulière à Kaitlin Oliva
d’avoir repoussé un vaste bleu fugitif
et pour son nom peint que je lis sans lunettes,
les vieilles radios captant les étoiles entre les stations.
Je veux reconnaitre l’influence des choses
qui se compressent et s’étirent à des vitesses variables
Les gens jetant même l’argent dans des écluses sèches
dans l’attente folle que l’eau va les entendre
Les serpentins de glycines, les philosophies
de la durée et de l’attente sans lesquelles
je n’aurais persisté avec autant de bonheur.
Je dis ma dette aux envols bourgeonnant du blanc des pins,
aux méduses remontant d’un mouvement de pulsation
qui me soulage – je suis en telle demande d’amour.
Je veux mentionner ma reconnaissance pour les heures où j’ai été encouragé par la bioluminescence,
par l’immanence, les musiques intrinsèques, les merveilles
chaotiques de la météo et les affections influençables.
Et surtout que je n’aurais jamais pu faire cela
sans tout ce que j’ai du abandonner et l’odeur
et ce que la distance provoque sur la couleur.