Enchainer les mots pour les délivrer


« Vous enchaînez les mots, c’est pour les délivrer… » écrit Jules Supervielle dans un poème hommage à St John Perse.


A lire St John Perse, je me diffuse, je m’éparpille, je me dissous dans une nuit bien plus grande que moi ou que la terre, J’entreprends des jointures de tuiles et de pavés à la surface du sensible. L’effet est délicat à décrire, à saisir avec la pince incommode de l’esprit, c’est un reflet fuyant dans les remous, une forme apparue par superposition fugace d’éléments non reliés, une brise sur le visage à l’origine indéfinissable.

Il faut accepter de délaisser le sens, celui rationnel et bien emboité que nous apprenons, qui nous structure, qui poli le monde. Ce n’est pas seulement les sonorités ni le rythme dont l’oeil du lecteur est à l’affût. Ce n’est pas d’explication, de descriptions, de compréhension. C’est au-delà, dessous, dessus, lové à l’intérieur comme une énergie antique, des fragments humains reliés pour reconstituer l’expérience. 

Sa main n’est pas guidée, elle parait écouter, dans le murmure des histoires, les champs retournés par le métal, les vagues cassées par les étraves, les sueurs salées d’amants, les injonctions célestes et missives aux dieux, les briques levées en murs, les troncs lavés aux tempêtes, la transparence des siècles…

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