Faut-il aller au Livre Paris ?

Faut-il aller au Livre Paris ?


Non, il ne manque pas de mots dans le titre. On ne dit plus salon du Livre de Paris mais, plus sobrement : Livre Paris. Plait-il ? Je cite l’organisation : « Pour sa 36éme édition, le Salon change de nom et devient Livre Paris, avec une formule rénovée ».

Après la réforme de l’orthographe (dont Jean d’Ormesson et Helène Carrère d’Encausse on dit tout le bien qu’ils en pensaient), voici la réforme de la grammaire dans les titres,  dont le Livre Paris est le fer de lance : supprimons allègrement les mots en trop ! Coupons ces prépositions surnuméraires qui encombrent nos vies ! Simplifions ! Réduisons ! Finalement comprend phrases minimum mots. Non ? Et puis quoi de plus écologique que d’économiser du papier en réduisant ainsi la longueur des livres ? Belle idée. Vais gagner temps écriture blog.

Revenons à notre sujet, avec tous nos mots. On l’a appelé « la plus grande librairie de France« . On aurait pu ajouter « la plus grande foire à l’autographe de France » ou « La farandole des selfies ». Le Livre Paris (je ne m’en lasse pas) est une exception française au même titre que les tournées d’écrivains aux Etats-Unis. On vient voir et toucher des livres et des auteurs en chair et en papier.

Je ne suis pas fan des autographes. Faire la queue avec son livre sous le bras en tendant le cou pour entrapercevoir le génie. Ou PPDA. C’est pas mon truc. Il tend vers vous un sourire fatigué parce que c’est bientôt la fin de la journée. Devant vous un retraité lui tient la jambe pendant 10 min. J’ai même vu un fan de couteau de collection déplier un tissu pour exposer fièrement à Moebius un gigantesque canif que le dessinateur génial regardait avec un mélange d’ennui et d’inquiétude.

Et puis tous les éditeurs ne sont pas au Salon du Livre. Pardon, au Livre Paris. « C’est un grand supermarché de la littérature avec chacun sa devanture. Ce n’est pas du business pour les éditeurs  » dit une amie dans l’édition. Ce n’est pas le lieu idéal pour passer de main en main votre précieux texte. Vous êtes ici pour consommer. C’est Arnaud Nourry, PDG d’Hachette Livres, qui avait envoyé de sérieuses salves (un tir nourri même) contre le salon du livre (oui, à l’époque il y avait tous les mots). Il faut dégraisser le mammouth, alors l’année dernière ces illustres maisons n’avaient pas ouvert de stand : Grasset, Fayard, Calmann-Lévy, Lattès, Odile Jacob. On comprend qu’avec la désertion de tels acteurs la surface soit plus dure à vendre (10 000 euros précise-t-on du côté des editions Metaillie) et que l’organisation ait du, par souci d’économie, retirer deux mots au nom du salon.

D’autres au contraire, assument leur présence en arguant que c’est « une tradition« , un acte de résistance, ou pour « toucher un public plus large« . En lisant leurs explications, on décode  quand même que la formule Livre Paris sent le sapin.

Moi j’adore traîner dans ce gigantesque déballage de papier, le long des allées construire en livres comme un bâtiment de pages imprimé. Perdez votre temps et votre esprit dans ce labyrinthe mercantile issu d’arbres auquel la magie du verbe et la puissance de la littérature à conféré une valeur de l’ordre de 60 euros le kilo (si, si, faites le calcul).

Ah, au fait : vous aimez la littérature sud-coréenne ? C’est parfait, vous aurez la chance de rencontrer Kim Un Su dont vous vénérez la prose traduite. Il y aura aussi plein de compatriotes :   

À part ça, j’irai au Livre Paris.