La chute des corps – Chapitre 24 et dernier
Chapitre 24
Ce n’est qu’au bout d’une semaine que les corps écrabouillés de Marc-Antoine et d’Alix furent déterrés des décombres de la tour. Réduits en marmelade sanglante, ils furent considérés comme les dernières victimes du mystérieux assassin.
Ils furent enterrés de nouveau, dignement cette fois, dans leurs communes respectives, avec de la musique et des discours.
Stéphane et Christiane, liés par un chagrin de même nature, se revirent pour partager leur deuil commun. Ils confondirent pendant quelques mois les deux émotions de tristesse et d’amour et se quittèrent après avoir eu, in-extremis, un enfant qu’ils appelèrent Apolline.
Christiane accepta avec la résilience des mères cette obstinée fatalité. Elle acheta une ferme avec l’assurance-vie de Marc-Antoine et la revendit au bout d’un an. Elle tenta alors de reprendre contact avec Philippe qui ne lui donna aucune nouvelle. Christiane abusa copieusement de café et d’anti-dépresseurs et, à l’abri du besoin, déménagea sur les bords de la Méditerranée où grandit sa petite Apolline.
Une petite stèle fut érigée à l’endroit où s’élevait la tour et le maire, alourdi d’un pâté matrimonial de la veille, l’inaugura sans joie. Il accompagna son discours de retours gazeux rincés de Beaujolais. La station ne se défit jamais de sa mauvaise réputation et le doublement de son budget de communication n’y fit rien. Elle changea de nom trois ans plus tard lors d’un houleux conseil municipal.
La bibliothèque de l’architecte fut vendue aux enchères, conformément à son testament.
En déblayant les gravats de la tour, l’ouvrier pilotant la pelleteuse découvrit une fourche en bois coulée dans le béton d’un pilier. Ses quatre pointes noires menaçantes bien visibles, préservées comme un fossile par sa gangue de haine.
FIN
©Guillaume Desmurs/La Chute Des Corps/2017