The Magus, dernières lignes
Second roman de l’écrivain britannique John Fowles, The Magus (Le mage en français), est un extraordinaire roman d’apprentissage. Un jeune professeur accepte un poste dans un pensionnat sur une île grecque. Ce qui va s’ensuivre est difficilement résumante… d’ailleurs je n’en ai aucun intention. Lisez-le !
J’aimerai cependant parler des dernières lignes. Elles sont d’une telle nostalgie pour ce qui vient de se passer dans les centaines de pages précédentes, et enceinte d’une promesse de futur. Un moment noué qui va se dénouer après ce point final terrible… toujours terribles dans les bons livres. Rarement roman ne m’a laissé avec un silence aussi assourdissant, projetant ses personnages dans une réalité parallèle.
Un auteur disait qu’une « description commence dans l’esprit de l’écrivain et se poursuit dans celui du lecteur », John Fowles laisse le roman entier se poursuivre dans l’esprit du lecteur. Je reproduis ici les dernières lignes, juste pour donner un goût de son style et pour les plaisir de les écrire et les lire de nouveau. Elles n’ont pas beaucoup de sens pour ceux qui n’ont pas lu ce qui précéde, comme une note seule ne signifie rien mais posée à la fin d’une symphonie, elle concentre toute la beauté du voyage dans un seul pas.
All waits, suspended. Suspend the autumn trees, the autumn sky, anonymous people. A blackbird, poor fool, sings out fo season from the willow by the lake. A flight of pigeons over the houses ; fragments of freedom, hazard, an anagram made flesh. And somewhere the stinging smell of burning leaves.
cras amet qui numquam amavit
quique amavit cras amet.
La traduction de ce poème anonyme latin intitulé La veillée de Venus est : «Qu’il aime demain celui qui n’a jamais aimé, et que celui qui a aimé aime demain encore.» Une coda laissant, heureusement, ouvert la suite de l’histoire d’amour entre Nicholas et Alison. La traduction peut être légèrement différente : « laissez ceux qui n’ont jamais aimé s’aimer et ceux qui se sont aimés, s’aimer encore ». Après l’instant fatidique où l’écrivain soulève sa plume pour la dernière fois, laisse respirer les personnages, se retire sur la pointe des pieds pour les laisser à eux-même, les abandonner au lecteur. Abandon et promesse, voilà tout le thème du livre, où Conchis, le personnage principal, offre et retire dans un même mouvement perpétuel et épuisant.