Un Hussard blanc, bleu, noir…
Automne 1791. François Xavier Antoine de Llucia, élu à l’assemblée législative, débarque à Paris, bien décidé à défier le monde. « Disciple de Rousseau« , « mécréant patenté« , ce gentilhomme catalan, ancêtre de notre narrateur (on demandera tout de même à consulter l’arbre généalogique de la famille Jonquères. Mais celle-ci abrite deux champions olympiques, d’équitation et de fleuret, et comme bon sang ne saurait mentir…), s’interroge encore sur l’avenir de la France : le vieux pays doit-il opter pour la Monarchie constitutionnelle ou la République ?
A Paris, Llucia côtoie Marat et se lie d’amitié avec Choderlos de Laclos qui, dans de belles missives, le met en garde contre toutes sortes de liaisons dangereuses. Car la passion amoureuse éloigne déjà notre gai cavalier de l’histoire en marche. Tandis que la Patrie est déclarée en danger, les Tuileries prises le 10 août 1792 (« journée de sang et de tonnerre, de meurtres et de rapine, qui ont engendré la France dans laquelle nous vivons« ), que la déchéance du roi anime ce qui reste de débat public, que les têtes roulent dans les paniers, Llucia préfère écouter son courage et son coeur plutôt que les délires robespierristes et autres inepties sur l’espoir d’un monde plus juste. Le chevalier met sa peau sur la table pour sauver la femme qu’il aime, la mystérieuse L., et la délivrer des griffes de crétins bien décidés à occire la terre entière au nom de la liberté.
La belle se voit contrainte à l’exil et prend la direction du Nouveau Monde. L’ancien lui sombre dans la folie : la mort de Louis XVI est votée à une voix (rappelons qu’à peine un siècle plus tard, c’est par ce même écart minimal que s’imposera une nouvelle République, troisième du nom), la Convention décrète la levée en masse, origine du soulèvement vendéen, et l’armée républicaine pénètre en Hollande. Barrère fond un plomb : « Un ennemi de plus pour la France n’est qu’un triomphe de plus pour la liberté » (Barrère, Hollande : même combat ?). Llucia, plus espiègle, facétieux et chevaleresque que jamais, revient lui sur ses terres lutter contre l’envahisseur espagnol…
Désolé qu’Histoire et soldes partagent aujourd’hui le même slogan (« Tout doit disparaître« ).
François Jonquères, avocat de profession, plaide avec talent contre les excès révolutionnaires. Ce hussard blanc, adorant le bleu, endosse la blouse du noir. Emboîtant, comme deux poupées russes, la petite histoire dans la grande, La Révolution Buissonnière s’abreuve aux meilleures sources : on n’y barbote donc pas qu’avec des fanatiques amoureux des rivières de sang censées régénérer la France. On pense à « Parfaite de Saligny« , la si belle nouvelle de Paul Morand, au « Sophie Trébuchet » de Geneviève Dormann, à Cécil Saint-Laurent.
Le cavalier Jonquères connaît aussi son Alexandre Dumas sur le bout du fleuret. On imagine le plaisir qu’aurait eu un Kléber Haedens à recevoir ce roman dans sa petite ferme de la Bourdette. Car la littérature de maître Jonquères sur son arbre généalogique perché, c’est celle du grand galop, de la cascade : chantante comme la langue d’Oc, robuste et élégante comme le corbières, riche comme la crème catalane.
On attend maintenant de Llucia qu’il trouve son salut dans un deuxième volume. Au Kentucky ou ailleurs…