Prélude au jazz
Dans ce charmant petit livre consacré à Debussy, où l’auteur (Philippe Cassard, pianiste) parcourt la vie du compositeur français du point de vue d’un interprète et pas d’un biographe, j’ai trouvé cette évocation d’un concert de Liszt auquel Debussy assista, émerveillé :
« Trente ans plus tard, Debussy se souvenait encore de son art de la pédale, pensée comme une respiration. Je me suis longtemps questionné sur cette remarque : une « respiration », était-ce une pédale économe ? Si l’on suite les indications que Liszt a portées sur la partition – et les fac-similés des manuscrits révèlent une infinie méticulosité pour chaque détail de phrasé, de nuance, de doigté, de pédale, d’accentuation, d’expression ou de sentiment (…) -, on remarque de longues tenues de pédale qui permettent d’obtenir, avec le toucher adéquat, une couleur fondue, irisée, chatoyante pour les arpèges et les gammes qui figurent à la fois la transparence, le débit tranquille de l’eau et la rêverie du promeneur. Combien d’arpèges, de gammes d’arabesques, d’accords enchainés devons-nous garder dans la pédale, chez Debussy, pour créer une couleur, susciter une image, un état d’esprit, une atmosphère particulière, étaler le temps, donner l’illusion d’une suspension ? Le pied droit respire au gré de ces images mouvantes, aidé par l’oreille vigilante et le toucher réactif. C’est sans doute cela que Liszt a merveilleusement réussi et qui a captivé Debussy ».
L’auteur parle de musique comme il pourrait parler de littérature, où la pédale est comme les trois points de suspension : retenir le cadre du piano, empêchant les étouffoirs de retomber sur les cordes, laisser enfler et vibrer le son et le piano résonne, additionne les échos. Céline était un grand utilisateur des trois points qu’il comparait à des rails sur lesquels envoyer circuler ses phrases… Exemple avec la première page de Féerie pour une autre fois II :
J’avais découvert Debussy de façon incongrue, dans le bureau d’un professeur d’université américaine au Connecticut. Il avait fait encadrer la première page de la partition de Prélude à l‘après-midi d’un faune. Il m’avait expliqué que dans ces quelques notes naissait la musique moderne (ce que confirme Pierre Boulez, cité dans le même livre : « La musique moderne s’éveille à L’après-midi d’un faune »).
Je n’avais pas vraiment compris… j’avais quand même hoché la tête pour approuver, mais j’étais intrigué. C’est bien plus tard que j’ai remis les pièces du puzzle en place et réalisé comment les harmonies riches, superbes et surprenantes de Debussy (dans ses Préludes pour piano par exemple) annonçaient celles de Bill Evans et du jazz. Démonstration avec La fille aux cheveux de Lin (de Debussy) et Never let me go (interprété par Bill Evans).
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