La minute paranoïaque #3

La minute paranoïaque #3


Ce matin sur mon écran passablement poussiéreux, que je nettoie régulièrement d’un chiffon ou d’un kleenex humide, j’ai gratté un point noir du bout de l’ongle. Une poussière minuscule d’une densité agaçante. J’ai gratté sans qu’elle disparaisse. J’ai modifié l’orientation de mon ongle, passé la pulpe du doigt pour sentir l’épaisseur de la vulgaire poussière, mieux la saisir dans son existence dispensable et m’en débarrasser promptement.

Le point noir résistait.

Moi qui fait ce que je veux de cet écran, il n’était pas admissible qu’un point noir me résiste. Qu’étais-ce ? Du goudron giclé ? De la colle poussiéreuse ? Un élément planétaire sucé par la gravité ? Un fragment de comète peureux ? A défaut d’analyses plus poussées sur la nature de cette récalcitrante poussière, j’ai retiré ma main pour l’observer. La clarté de l’écran de mon MacBook Air la cernait cliniquement. Elle ne pouvait pas s’échapper. Le temps que mes pupilles fassent le net sur l’obscur objet de ma colère, le point se révélait encore plus intense.

Je me suis approché, il s’agissait seulement – et tout bêtement – d’un point marquant la fin d’une phrase. Un petit point perdu dont l’inutilité et la fragilité m’a soudain réconcilié avec ma colère et dissout toute envie de l’effacer d’une rageuse touche backspace. Je l’ai emmené plus loin, je l’ai déplacé, à travers le blanc vide et désertique d’une ligne.