Contre le temps
Ecrire contre le temps. C’est souvent ce que je ressens en posant les mots les uns après les autres, sur la page, un oeil sur l’horloge. Il y a tellement de choses plus importantes, plus urgentes, plus concrètes et plus rémunératrices que l’écriture d’un roman. Ecrire contre le temps, car on en manque, toujours… on manque de temps de cerveau disponible pour penser à l’histoire… de temps pour que les bourgeons fleurissent dans le crâne. Ecrire contre le temps, combat quotidien contre la fatigue qui grignote les heures comme une souris à coups de dents… et ça tombe en morceau le soir… Une heure par ci, une heure par là, volées à la vie courante, ça ne suffit pas pour écrire un roman. Contre le temps qui effeuille sans empiler les feuilles manuscrites…. Il faut donc se fabriquer du temps, comme un délimite un champ avant la construction d’une maison. Pour écrire non pas contre, mais avec. Voici quelques stratégies :
–Déconnexion. Commencer la journée en se déconnectant, le temps de l’écriture de tous les fils digitaux qui nous tiennent la patte. Pas toujours facile quand une grosse journée de travail vous attends, que les mails sont déjà vaillants au petit-déjeuner et qu’il y a des dossiers urgents à faire avancer, des questions en attente de réponse, la compta qui doit être bouclée pour demain. Dernier délai. Sans compter quelques gamins à trimballer de ci de là.
–Souffler. Un grand coup.
La vie est courte mais les heures sont longues.
Une phrase de je-ne-sais-plus-qui que j’aime beaucoup.
–Café. Le rituel du café permet de se concentrer, de nettoyer les préoccupations et de siroter en écrivant. Un peu comme rouler une clope, avec un filtre et une plante exotique séchée et effritée à l’intérieur. Le café, pour moi, c’est un V60, avec un beau filtre conique (acheté au Café Brumes), de grains torréfiés par Moody Coffee Roasters à Chamonix et moulus à la main. En ce moment, c’est un éthiopien plutôt fruité.
–Régularité. Un peu de temps tous les jours vaut mieux qu’une journée tous les mois. Une heure par jour, c’est 7 heures dans la semaine et en 7 heures, on avance ! Parfois, c’est une demie-heure, qu’importe, gardons le rythme, tenons la foulée, on arrivera au bout. J’en profite pour placer cette petite phrase de philosophe : « on atteint le sommet de la lointaine montagne pas après pas ». Chaque page manuscrite est un pas.
–Inspiration. Ne pas compter dessus. On me pose souvent la question quand je gratouille dans un bar : « alors l’inspiration ? ». « Elle n’existe pas ! ». Si je devais l’attendre, je n’écrirais pas grand chose. Avec le recul, des semaines plus tard, on découvre bien souvent que la prose fatiguée d’un soir sans motivation recèle des trésors alors que la galopade inspirée et enthousiasmante de l’autre matin est bien creuse, vaine et désespérante.
–Conseils. Il y a ce petit tableau vers lequel je me reporte souvent, plein de petites pastilles à gober, selon l’humeur du moment.
Better done than perfect!